Quel scénario pour les travaux du tunnel?

La voûte du tunnel du Mont Blanc doit être rénovée sur 6 km, soit sur la moitié de la longueur de l'ouvrage, suite à la réalisation d’un diagnostic complet.

La nature et l’ampleur des travaux (démolition de béton et de roche avec des venues d’eau et la présence potentielle d’amiante) exigent la fermeture totale du tunnel à la circulation. Après 2 premiers chantiers test en 2024 et 2025, la suite des travaux doit être programmée.

Deux scénarios sont proposés aux acteurs du territoire

  1. Scénario 1 : poursuivre des fermetures par phase de 3,5 mois entre début septembre et mi-décembre chaque année sur une durée d’environ 15 ans.

  2. Scénario 2 : fermeture continue sur environ 3,5 ans, à partir de 2030.

Pour les associations du mouvement France Nature Environnement (dont Inspire, FNE Haute-Savoie et FNE Savoie), le scénario 1 est à privilégier et des mesures d'accompagnement doivent être mises en oeuvre pour enfin limiter l'impact des transports routiers dans le massif alpin.

L'option de fermeture totale pendant 3,5 ans donnerait des billes aux voix qui demandent le doublement du tunnel routier du Mont Blanc, en agitant le spectre de la peur de l'impact d'une fermeture longue sur l'économie locale, particulièrement en Italie.

La France et l'Italie réfléchissent au doublement du tunnel du Mont Blanc

Restée ferme jusqu'à présent, la France a avoué réfléchir à cette option au début de l'année 2025. Ce n’est pas un hasard si, côté italien, c'est l'option d’une fermeture sur 3,5 ans du tunnel qui est souhaitée.

Notre inquiétude se confirme

D'après le Dauphiné Libéré, en Italie, “certains appellent déjà à une troisième voie : le percement d’un second tube. «Une fois celui-ci inauguré, on pourrait sans difficulté fermer et rénover l’autre», avancent les partisans transalpins de ce projet, arguant qu’à terme la circulation pourrait s’effectuer comme au Fréjus : un tube par sens.”

Au coeur de la montagne coule l'eau. L’une des fuites d'eau sous l’Aiguille du Midi atteint 300 litres/seconde, de quoi remplir une piscine olympique en moins de 3 heures ©ATMB

La position de la fédération France Nature Environnement

Choix du scénario 1

Étant donné que la sécurité sera assurée par l'une comme l'autre des options, le scénario 1 est à choisir, car il aura moins d'impact pour l'économie, pour les autres passages alpins et pour le trafic touristique, qui est intense d'avril à septembre.

Une fermeture continue imposerait une charge de trafic difficilement absorbable par les itinéraires alternatifs les plus proches : le Grand St Bernard et le Fréjus. Ceci serait particulièrement le cas pour les longs week-ends ferrés de Pâques à la Pentecôte et pour les mois d'été, notamment le mois d'août avec environ 215.000 passages mensuels assurés par le tunnel du Mont Blanc, soit un trafic multiplié par 2 à 2,5 par rapport aux mois d'automne-hiver.

Mesures d'accompagnement proposées par le mouvement FNE

Il est indispensable de s’emparer de cette situation pour repenser la traversée des Alpes en prenant en compte l'ensemble des infrastructures, y compris ferroviaires, en particulier la ligne existante du Mont Cenis.

Des mesures pour les alternatives ferroviaires:

  • Lancer une offre tarifaire, soutenue financièrement par l'Etat et la Région, pour inciter les voyageurs et les marchandises à utiliser le rail. Le Fonds de Développement de l'Intermodalité dans le Massif Alpin (FDPITMA) pourrait être mobilisé à cet effet.

  • Prévoir un renforcement de l'offre ferroviaire voyageurs et fret pendant toutes les périodes de fermeture pour éviter un simple report du trafic du tunnel du Mont Blanc sur les routes des territoires voisins.

Des mesures fiscales et environnementales:

  • Incorporer dans les péages autoroutiers des poids lourds en France "une redevance pour coûts externes liée au coût de la pollution atmosphérique due au trafic, de la pollution sonore due au trafic et des émissions de CO2" en application de l'article 7 quater de la Directive Eurovignette.

  • Appliquer pour les poids lourds sur la traversée des Alpes françaises "une majoration sur la redevance d'infrastructure perçue sur des tronçons [...] dont l'utilisation par des véhicules cause des dommages importants à l'environnement", selon l'article 7 septies de la Directive. La majoration est de 15% et doit être réinvestie pour "des projets de développement de services de transport ou dans la construction ou l'entretien d'infrastructures de transport du réseau transeuropéen de transport central qui contribuent directement à atténuer la congestion ou les dommages environnementaux et sont situées dans le même corridor que le tronçon routier sur lequel la majoration est appliquée".

Des mesures de gestion du trafic au tunnel du Mont Blanc

Afin d'éviter la congestion de la RN205 dans la vallée de Chamonix et les pics de fréquentation récurrents au tunnel du Mont Blanc au printemps-été, des mesures de gestion du trafic pourraient être appliquées. Inspire propose par exemple:

  • La réservation obligatoire et gratuite du passage au tunnel entre Pâques et la fin août. Ceci a déjà fait ses preuves à Chamonix pour l'accès à l'Aiguille du Midi. Ce système évite des heures d'attente et personne souhaite remettre en cause cette solution qui fait gagner du temps et qui permet de mieux s’organiser.

  • La modulation du tarif en fonction de la fréquentation, afin de récompenser les personnes prêtes à voyager en dehors des heures de grande affluence.

L'acceptabilité de ces solutions a déjà été largement testée, puisque la traversée du tunnel sous la Manche fonctionne de cette façon depuis 1994.

Entubés par l'inébranlable et patient lobby routier

Doublement du Gothard

Refusé deux fois par référendum en 1994 et 2004, le projet de doublement du tunnel routier du Gothard a finalement été accepté par le peuple suisse en 2016. Le spectre des travaux nécessaires dans le tunnel existant et la peur des conséquences de sa fermeture sur la région du Tessin ont réussi à retourner une partie de l'opinion.

Le projet pouvait ainsi voir le jour en dérogeant à l'article 84 de la Constitution fédérale sur la protection des Alpes.

Doublement du Fréjus

En France, le lobby routier a aussi réussi à contourner la loi et l'opinion en annonçant la construction d'une galerie de sécurité au Fréjus. Un tube de 8m de largeur a été construit, au lieu des 4,5m habituels pour ce type d'ouvrage. Dénonçant qu'un tube d'une telle ampleur était dès le départ dimensionné pour être transformé en tube de circulation à l'avenir, les associations de Maurienne avaient saisi la justice, qui avait balayé d'un revers de main leur alerte, pour manque de preuves.

Le 24 février 2025, le Conseil d’État a rejeté un autre recours des associations déposé contre la décision des ministres des transports français et italien d’ouvrir à la circulation le second tube du tunnel du Fréjus.

La galerie de sécurité du Fréjus a donc été ouverte à la circulation, par simple décret sans démarche d'enquête publique ou de remise en question de la Déclaration d'Utilité Publique initiale, qui prévoyait une galerie de sécurité pour la circulation des secours uniquement et l'évacuation des personnes en cas d'accident ou incendie.

C'est cousu de fil blanc. Ne nous laissons pas berner nous aussi.